En fait, on va parler du safari.
J'avais une idée trop haute de Stanley pour que celle-ci résiste longtemps à la réalité du personnage. Stanley était un arriviste violent et sans scrupule dont le moindre crime est d'avoir inventé a posteriori la réplique qui l'a rendue célèbre. Il s'enrichit par la suite en accaparant le Congo pour le compte de son copain Léopold. C'est donc sans trop de regrets que l'on a fait un trait sur mes projets d'aller voir où vont les eaux bleues du Tanganyika (elles ne vont pas dans le Nil mais dans le Congo, et encore seulement quand le lac déborde, ce qui n'est pas tout le temps le cas car l'évaporation est forte, et je viens d'apprendre en lisant Wikipédia qu'un lac qui ne se déverse dans aucune mer est dit endoréique). De toutes façons, la zone est déconseillée par le Quai d'Orsay.
C'est dommage pour Livingstone, qui bien que présentant quelques lacunes sérieuses pour devenir un modèle d'explorateur, avait appris la langue des locaux et installé une confiance mutuelle, qui aujourd'hui encore marque le terrain ne fut-ce que par la quantité de coins qui portent son nom. Il faudrait pour suivre sa trace beaucoup plus de temps que celui dont nous disposons.
Tout juste redescendus du Kilimandjaro, nous avons donc cheminé de Moshi à Arusha, cette dernière étant plus proche des parcs nationaux du Nord du pays qui sont ceux qui nous intéressent le plus. Ces parcs sont :
Nous avions pour projet de nous diriger vers un camp de truckers situé à l'extérieur de la ville pour tenter de nous glisser dans l'un des camions le temps d'un safari, afin de minimiser les frais. Cela nous a été conseillé par Laura, que nous avons rencontré au Tunduk Hostel (partez réviser les épisodes du Kirghizstan si vous ne vous souvenez pas ;). Malheureusement, il nous a été impossible d'atteindre le parc : les taxis demandaient un tarif prohibitif, et lorsque nous avons tenté de trouver le bus qui s'y rendait, je me suis fait voler nos Kindles que j'avais stupidement glissés dans ma poche de pantalon. Info pratique si une telle mésaventure vous arrive : signalez le à Amazon, et la prochaine fois qu'ils seront connectés, ils deviendront inutilisables. Bien électronique connecté mal acquis ne profite pas souvent.
Coincés à Arusha, nous nous rendons dans une agence, celle conseillée par l'hôtel où nous logeons. Nous n'avons même pas à faire jouer la concurrence, nous obtenons un tarif correct. Nous optons pour un safari de quatre jours, trois nuits. Nous visiterons Tarangire, puis Serengeti (deux jours) et finirons par le cratère. Nous faisons l'impasse sur le lac du Manyara. Nous négocions même quelques à côtés : nuit offerte à l'hôtel le jour du retour et transport jusqu'au camp de truckers.
Ce camp s'avère être un petit paradis : bonne ambiance, nourriture peu onéreuse et même zoo abritant principalement des reptiles, que nous avons même pu manipuler. Dormir au camping nous donne le droit à la visite guidée du musée Maasai attenant, le guide étant lui-même un Maasai. Là encore, c'est la désillusion. L'on se fait une idée bien trop optimiste des Maasais. L'idée que j'en avais était celle de fiers nomades, qui ont su résister à la colonisation puis à la pression culturelle et économique post coloniale. Techniquement, c'est vrai, mais le musée nous a permis de voir que leur culture ne méritait peut-être pas d'être protégée. Excision et circoncision, mépris de l'individu au profit du groupe, rejet de l'éducation et communautarisme extrême. Aujourd'hui, ils exploitent les mines de tanzanite et ceux qui y travaillent et il leur arrive d'envoyer leurs troupeaux saccager les champs lorsque, revenant sur un paturage après parfois une dizaine d'années d'absence, ils trouvent celui-ci cultivé.
Nous découvrons notre chauffeur le jour du départ, il est venu nous chercher au camp. Nous nous installons dans le Land Rover à toit ouvrant, nos compagnons de safari seront une chinoise et sa fille, communication limitée à cause de leur niveau d'anglais, et Rosa, une humanitaire Malgache en mission au Congo qui vient prendre des vacances en Tanzanie. Elle parle français.
Après un peu de route, nous entrons dans le parc du Tarangire, dans lequel nous espérons voir des bébés éléphants. Espoir réalisé très rapidement, il y en a partout. Nous pouvons les observer plus près qu'il est possible de le faire avec la version empaillée du Museum à Paris, ils pourraient glisser la trompe dans la voiture s'ils le souhaitaient.
Notre chauffeur s'avère compétent, il conduit avec maîtrise sur les chemins pour le moins cahoteux, pour contourner les éléphants et arriver près d'eux lorsqu'ils sont près de la route, qu'il nous est interdit de quitter.
Nous observons bien d'autres espèces ce jour là : diverses sortes de gazelles et antilopes, zèbres et gnous. Nous avons aussi une rencontre avec des singes qui chipent le pique nique de Rosa.
Nous arrivons dans un hôtel/camping où nous rencontrons notre cuisinier. Nous nous mettons d'accord pour qu'un des soirs suivants il nous apprenne une recette locale.
Nous nous levons tôt pour profiter du lever de soleil sur le Lac Manyara. Départ peu après, il nous faut traverser le parc du cratère (mais sans rentrer dans celui-ci, c'est le programme du dernier jour) pour accéder au Serengeti. Nous y arrivons en tout début d'après midi.
Les Masaai sont autorisés dans l'enceinte du parc du Ngorongoro (mais pas dans le cratère), mais ils sont exclus du Serengeti. La frontière est très tranchée, dès que l'activité humaine cesse les animaux deviennent beaucoup plus nombreux.
Le parc est si riche que nous progressons très lentement, nous arrêtant toutes les quelques centaines de mètres, pour notre plus grande joie. Nous voyons nos premiers prédateurs : lionnes et guépards. Quelques girafes, et énormément d'herbivores de tous types. Nous passons également sous un arbre servant de perchoir à deux vautours. Le clou du spectacle nous est réservé pour la fin de journée : le guide repère une gazelle dans un arbre. C'est peu commun, c'est normal, elle n'y est pas montée seule. En fait, la gazelle n'est plus trop vivante, et c'est un léopard qui l'a déposée là. Le guide éteint le moteur et choisit d'attendre. Nous nous préparons à combattre l'ennui, mais moins d'un quart d'heure après la bestiole arrive et nous l'observons monter dans l'arbre et commencer son repas !
Le soir le cuisinier nous apprend comme promis à cuisiner le pilau, sorte de riz pilaf aux épices. Levés encore une fois très tôt, nous repartons traverser le parc en sens inverse pour aller dormir au bord du cratère. Nous retrouvons le léopard qui a presque fini sa gazelle. Nous l'observons quitter son arbre et se fondre immédiatement dans le paysage. Une chose que je n'avais jamais repérée dans les zoos ou en regardant les documentaires animaliers est la qualité du camouflage des gros félins. Le pelage des lions a sensiblement la même couleur que l'herbe sèche dans laquelle ils évoluent, et les tâches des guépards et léopards empêchent de les discerner correctement : à moins de le voir sur un fond de couleur différente, on ne sait pas bien où l'herbe commence et où le matou finit.
Nous observons sans nous lasser les mêmes animaux que la veille. Le soir nous atteignons le cratère et la soirée n'est troublée que par l'irruption d'un éléphant dans le camp (il venait boire à la citerne) et une discussion animée avec le guide où l'on finit enfin par se mettre d'accord sur l'heure du lever (5 heures) afin de maximiser le temps dans le cratère.
Le cratère est une destination assez prisée, puisqu'il regroupe une grande diversité d'animaux, dont certains qu'il est difficile de rencontrer ailleurs, et que les falaises qui le délimitent maintiennent ces animaux dans une zone restreinte. Partis au lever du Soleil, nous nous arrêtons peu, car le guide tient à nous faire voir les rhinocéros. Il monte sur la seule éminence qui perturbe le fond plat de l'ancien volcan, et repère deux taches noires au loin. Nous les contournons, et à la jumelle pouvons distinguer les cornes. Il s'agit bien de deux rhinocéros. Nous pouvons maintenant prendre un rythme beaucoup plus détendu, et faisons lentement le tour du cratère pour ce qui est sans doute la meilleure journée d'observation du safari.
Nous voyons quelques espèces encore inaperçues, comme des grues. Nous passons un long moment à observer un troupeau d'hippopotames à la léthargie communicative. L'un d'entre eux sort de la mare et nous pouvons admirer sa démarche gracieuse pataude. Un autre roule sur lui-même dans l'eau, se retrouvant ses quatre courtes pattes en l'air. Deux oiseaux viennent se poser sur un hippo qui ne semble même pas les remarquer.
À l'inévitable pause pipi, puisqu'il y a 5 filles dans la voiture, le lac près duquel on s'arrête semble vide, mais si on le regarde assez longtemps, on voit les deux narines des hippos qui viennent prendre une respiration à la surface avant de replonger.
Il nous reste à voir, de loin malheureusement, des centaines de flamants roses s'envoler en essaim pour clore le spectacle, et nous rentrons à Arusha.
Le safari nous a coûté 520$ (soit à peu près 400 €) par personne pour 4 jours. C'est à peu de choses près le moins cher qu'il est possible de trouver en Tanzanie. Voir les animaux dans leur milieu naturel est réellement différent de les voir en zoo. Ils n'ont pas l'air neurasthéniques, ils sont actifs, bougent, reniflent, courent, sautent etc. Bien que ce ne soit pas donné, je recommande chaudement cette expérience. Les voir de si près, en voir autant, c'est vraiment magique !
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